Il y a quelques semaines, mon souci était de vous alerter sur l'importance du dépistage du cancer du sein. Aujourd'hui, par vos nombreux messages de sympathie, vous me demandez des nouvelles. Et bien les voici...
Après avoir pris le temps de me remettre, j'ai goûté à une
certaine quiétude, observé mes ressentis, et pris une décision : celle de partager
mon histoire avec vous. Parce que je pense qu'au delà du dépistage, cette
histoire peut servir à toutes. Et quand on suit ce chemin, on aime savoir que l'on
est pas toute seule. Plus important encore, cela m'aide dans mon processus de
guérison de coucher tout cela sur le papier. Il semblerait que cela fasse partie de ma reconstruction dans tous les sens du terme.
Ce jour-là, tout était une première fois : toute première
hospitalisation, anesthésie, chirurgie... Et pas une petite chirurgie. Celle
qui changerait mon apparence à jamais.
Il est de ces moments où tout se passe très vite. Et
pourtant j'avais cette sensation de lenteur qui me collait à la peau. J'étais
figée dans cet instant d'attente ; une angoisse sourde de l'après. Pour la
première fois de ma vie, mon avenir me faisait peur. Chouchou était là pour me
soutenir et passait son temps à me changer les idées. Instants fébriles,
demi-sourires, je fais face tout en ayant envie de m'enfuir.
Et puis le moment est venu. Et là d'un coup je me suis crue
dans Grey's Anatomy ! Des infirmières charmantes, des brancardiers taquins, la
salle d'attente couleur pastel qui diffuse une ambiance zen. Presque un salon
esthétique, presque...
Une scène mémorable avec l'anesthésiste, là j'étais
l'héroïne de 9 semaines et demi ! Le voilà qui fait le test du glaçon sur mon
buste, pour s'assurer que la zone est bien endormie. Je mettrais ce genre de
pensées sur le compte de l'oxygène, qu'on m'a fait respirer à plein poumons
pour me détendre ; ha oui j'étais détendue. Et pourtant, une angoisse lourde
accompagnait le masque qu'ils ont posé sur mon visage pour m'endormir
complètement.
Durant mon inconscience, ils ont enlevé la totalité de mon
sein gauche, prélevé un ganglion au niveau de l'aisselle pour analyse, et
recousu.
Première sensation
Lorsque je me suis réveillée, pas d'angoisse, mais un grand
soulagement. Un de mes premiers réflexes a été de poser ma main sur la zone
opérée, pour sentir "le vide". Ce n'était pas triste comme je m'y
attendais : j'était ce vide. Aucune pensée, aucune émotion. Après la tempête,
je me sentais dans l'œil du cyclone. Un moment suspendu dans le temps, pour
reprendre mon souffle et préparer la suite.
Puis, la réalité déchire peu à peu le voile de l'anesthésie.
Un cocktail se forme dans mes pensées ; je suis à la fois
triste d'avoir dû en passer par là, mais soulagée que ce ne soit "que ça".
Même si physiquement on ne m'a pas enlevé d'organe, une part de ma féminité m'a
été enlevée.
Des tubes sortent de mon flanc pour drainer les fluides, qui atterrissent dans
des petits flacons (que l'on appelle des redons). Tout ça n'est pas très
glamour, et la féminité en prend un sacré coup.
C'est là que le fameux petit sac en tissu entre en action : au lieu de me
promener avec les redons à la main, je les planque dans mon sac à fleurs. Ce
petit geste de rien du tout me réconforte, et me rappelle qu'être féminine ce
n'est pas une question de physique.
(Attention petit parenthèse propagandiste féministotruc)
Tous ces magazines qui vantent les corps parfaits ne font
qu'alimenter notre insécurité en tant que femme. Ils arrivent à nous faire dé-saimer
notre propre corps, c'est une honte !
(fin de la parenthèse)
Premier regard…
J'avais le choix, je pouvais détourner le regard. Mais après
tout ce que j'avais vécu, ça aurait été comme si je détournais mon propre
regard de moi-même.
Premier contact visuel sans problème. La cicatrice est nette. C'est une
chirurgie importante, certes, mais pas invalidante. Je peux vivre avec. Je suis étonnée de le prendre aussi bien. C'est sans compter le destin, qui m'attendait au tournant.
On peut rester dans son cocon pendant un temps, regarder
tout ça à l'abri dans sa bulle. Mais à un moment donné la vie nous fait
comprendre qu'il faut en sortir. Dès le lendemain, plus de pansement. On
m'annonce que je peux prendre une douche !
Là je me dis youpi, une douche ça va me faire du bien ! Et puis l'infirmière
m'explique les précautions à prendre pour laver la cicatrice… hé oui, il va
falloir la toucher… Petit moment de flottement.
Ca peut paraître idiot, je m'étais préparée mentalement à
l'effet "visuel", mais jamais je n'ai pensé à me préparer au
"toucher". Cette douche tant attendue se transforme en appréhension.
Premier contact physique
Le regard peut rester distant, flou, subjectif. Le sens du
toucher lui, ne ment pas ; il ancre les choses dans le concret.
Ce premier contact a été difficile : l'eau ne provenait pas
seulement du pommeau de la douche…
On m'a souvent dit qu'il y avait un temps pour rire, et un temps pour pleurer.
Je trouve cela sain de s'accorder le temps de panser ses blessures. Qu'elles
soient physiques ou morales, toutes les blessures ont besoin de cicatriser, c'est
humain. Mon âme a choisit cet instant pour s'épancher un peu. C'était un moment
pour moi. Sous cette douche je n'avais pas besoin d'être courageuse, ni
souriante. J'avais juste besoin d'être…
Mais la maladie m'a appris une chose très importante : j'ai appris à traiter un
seul problème à la fois, au lieu de vouloir tout résoudre en même temps. Ca
libère vraiment l'esprit !
J'ai laissé l'eau emporter mes larmes, sans vraiment penser
à la suite.
Premier regard dans le miroir
On m'avait dit que la cicatrice serait jolie. On m'a menti.
Dans l'art pratiqué par le chirurgien, on peut considérer que c'est une
cicatrice régulière et nette. De là à dire que c'est joli ?! Non.
Je remarque instantanément une chose : mon regard, par
l'intermédiaire du miroir, est plus critique. Cette cicatrice met en avant des
"défauts" que je ne voyais pas auparavant.
Je suis à l'opposé du corps svelte entendons-nous bien ! Mais cette pièce
manquante met en lumière certaines choses. Ce qui m'a convaincue de me remettre
au sport le plus tôt possible, pour éliminer définitivement ce ventre bien trop
rebondi ! Je me suis fait une promesse : celle d'avoir le corps que je souhaite. Et dire adieu à celui que le stress et la
malbouffe ont façonné.
Premier regard de l'autre
Le regard d'autrui revêt une certaine importance pour nous.
Chouchou est arrivé très peu de temps après mon réveil de
chirurgie.
Pour ceux qui n'auraient pas suivi, chouchou c'est le petit nom que je donne à
mon mari. Son regard est très important pour moi. Il m'a épaulée depuis le
début. Il a essuyé chaque larme, effacé chaque pensée sombre. Il est allé
repêcher ce sourire qui avait disparu.
Nous n'avons pas eu besoin de parler cet après-midi là : il s'est installé dans
le fauteuil à côté de mon lit et m'a pris la main. Nous avons parlé de tout et
de rien en regardant un match de tennis à la télévision. Et quand nos regards
se sont croisés, tout était dit. Je lui aurais bien sauté au cou, mais j'ai
préféré éviter les mouvements brusques !
Puis le temps des visites des proches est venu. La visite de
ma tante et mon oncle a été d'un grand réconfort. Tout comme la famille, et les amis proches qui
ont suivi. En fait, j'avais besoin de me rassurer en constatant que leur regard
sur moi n'avait pas changé. J'avais eu beau me convaincre que ça se passerait
comme ça, le constater en direct est vraiment différent.
Ma tante a vécu la même histoire, dans le même hôpital, avec
le même chirurgien cinq ans plus tôt. Depuis le début, son expérience m'est
précieuse.
J'ai toujours eu une tendresse particulière elle. J'ai beaucoup de jolis souvenirs
d'enfance liés à ma tante ; nous en avons gardé une complicité que même le
temps et la distance n'ont pas altérée.
Ce destin commun, que nous ne nous attendions pas à partager, nous a
rapprochées. Son regard et ses paroles m'ont apaisée.
Finalement, le problème ne vient pas des autres dans ce cas
précis. On s'imagine des réactions, on croit qu'il y aura des regards
"hésitants". Mais tout cela n'est alimenté que par une chose, la
peur.
De toutes ces visites, ces sensations et émotions, est
ressorti une évidence. J'ai su le soir-même quel serait mon prochain objectif :
guérir mon regard sur moi-même. Un sacré voyage que j'entreprends là !
Avant la reconstruction physique que j'envisage, je
comprends qu'il y a une reconstruction de moi-même à faire. Un travail très
intérieur.
Mais au delà de ça, je réalise que le cancer n'a fait que s'engouffrer dans une
brèche déjà grande ouverte. D'une certaine façon, cela a mis en lumière quelque
chose que je refusais de voir jusqu'à maintenant.
La reconstruction passe d'abord par l'acceptation. Et j'ai beaucoup de choses à
mettre sur ma liste d'acceptation.
Suite au prochain épisode. ;)
Christelle ,je ne sais si j'aurai ta force et ton courage,
RépondreSupprimernous raconter cela,nous montre ta force de caractère et ton désir de vivre
tu nous as toujours apporté la joie de vivre ,au travers de nos réunions où tu nous as appris,pour mon cas en tous cas a scraper,moi qui débutais.
merci Christelle ,continuse ,tu es forte ,tu le prouves .
je pense aux petits sacs,je n'oublie pas
gros bisous et un ti aussi de ma part à ton chouchou et tes parents
Lili
Coucou Lili, Merci infiniment pour ton message qui me fait chaud au cœur <3 Quand je vois cet étalage de qualités j'ai du mal à croire qu'on parle de moi ! LOL Bisous transmis, merci ;)
SupprimerJe ne sais pas si le mot Merci pour ce partage convient bien mais je lis toujours tes articles avec admiration (moi qui suis incapable d'écrire 3 lignes de journaling sur une page de scrap !) et ce soir je me laisse aller à partager une larme avec toi.... Outre le fait de t'aider à te reconstruire, tes articles donnent aussi un bon coup de pied au c.... à celles qui tardent trop à faire leur mammo..... Je pense très souvent à toi et je t'envoie toutes les ondes positives possible pour t'encourager dans cette Reconstruction. Gros bisous.
RépondreSupprimerMerci Chiara, Je ne m'attendais pas à autant de réactions. Je crois que chacune puise dans ce texte ce dont elle a besoin. C'est fou, j'ai autant de mal que toi à écrire 3 lignes sur une page de scrap ! Mais un texte seul, aucun soucis ! :) Bisous
SupprimerOh ma belle ,je suis trop triste de ne pas avoir été au courant sinon je serais venue te voir à la maison et à l'hôpital.
RépondreSupprimerJ'ai demandé de tes nouvelles chez SU mais les personnes interrogées m'ont dit que tu avais quitté et ne m'ont rien dit de plus.
En même temps ,il est vrai que je me suis laissée enfoncer dans une vilaine déprime que je ne voulais partager avec personne,et les soucis de santé n'ont pas tardé à arriver et je suis passée sur le billard comme toi(sauf que moi j'ai pas eu l'épisode "glaçon et là je suis jalouse,quand à l'oxygène ,pas eu le temps d'en profiter ,car il semblerait que je me sois "détendue" dès qu'il m'a posé le masque sur le nez),je n'ai pas encore les résultats des prélèvements.
Si tu es sortie de l'hôpital et si tu veux des visites ,je pourrais venir te voir à l'occasion .
N'hésites pas à me laissé un petit mail quand tu voudras.Ca me fera plaisir.
Gros bisous ma bichette...
Mon histoire et SU son 2 choses différentes. C'est fou, d'un seul coup tout le monde s'aperçoit que je ne suis plus démo maintenant alors que j'en suis partie il y a 2 ans ! LOL Je te souhaite plein de courage dans ton parcours Katou et surtout entoure-toi des bonnes personnes. Il faut savoir être égoïste dans ce cas. ;) Bisous
SupprimerAh voila la raison de ton départ...quel courage.je t admire bisous danielle
RépondreSupprimerEt bien non, pas du tout Danielle. SU et moi c'est fini depuis 2 ans pour plein d'autres raisons mais pas celle-là ;) Merci pour ton soutien. Bisous
SupprimerMerci de ton bel article.l experience partagee est precieuse...
RépondreSupprimerje suis bien sur emue ...
mes mots st nuls mais je pense bien à toi...
biz
marlene
Ne jamais qualifier tes mots de nuls. Avoir le courage d'écrire quelque chose à mon intention tout est déjà dit. Pas besoin de grande phrases pour dire qu'on pense à quelqu'un. Alors merci pour tes mots Marlène, bisous :)
SupprimerJe ne sais que dire... je suis profondément émue par ton témoignage, cela me force à relativiser mes petits bobos qui me bouffent, alors merci...
RépondreSupprimerPrends bien soin de toi Christelle,
Je t'embrasse
Merci beaucoup Dominique, si ce message t'aide d'une quelconque façon, j'en suis heureuse. Bisous Christelle
SupprimerJe t embrasse bien fort ma Christelle
RépondreSupprimerA très vite ;)
Merci ma belle, bisous
SupprimerTrès beau témoignage.... continue à te battre comme ça et à t'exprimer si tu en ressens le besoin. Ton témoignage m'a convaincu de faire ma mammographie prévue depuis 1 ans.... cette fois je vais prendre mon rendez-vous, c'est promis !
RépondreSupprimerBiz
Je suis très contente de l'apprendre Laure, le dépistage est très important ! Merci pour ton message. Bisous
Supprimersuperbe témoignage! tes mots sont touchants et vrais! tu ne peux que couronner de succès ta reconstruction je suis sure que tu vas y arriver ... je t'embrasse bien fort... Mylou
RépondreSupprimerMerci Mylon, je suis convaincue aussi que le chemin de reconstruction sera une réussite :) Bisous
Supprimernul doute qu'on sera derrière toi pour faire bloc et t'apporter comme on le pourra un semblant de soutien et de réconfort..je dis un semblant car c'est une montagne de réconfort qu'il te faudrait mais elle est bien difficile à quantifier....
RépondreSupprimerj'espère seulement qu'elle sera à la mesure de ton courage ... ;)
milles bisous
coco
Merci beaucoup Niskai, je reçois déjà beaucoup de soutien, je suis très entourée. Bisous
SupprimerBonjour, je viens de lire votre article. J'espère que vous allez vite "accepter" et vite redémarrer. Franchement je vous le souhaite à vous et à tous ceux qui en ont besoin. Le soutien des autres est important également vous avez raison de le signaler. Je ne vous connais pas mais je suis de tout coeur avec vous et je vous embrasse très très amicalement.
RépondreSupprimerNathalie
Merci beaucoup Tatalie, le soutien est important oui. Parfois les proches pensent qu'ils ne seront pas de taille, et ne sauront pas quoi dire. mais il suffit juste d'être là. Bisous
SupprimerTrès joli témoignage ... pas joli comme on le sors à tout va en voyant quelque chose qui nous plait non joli dans le sens touchant, émouvant, important !
RépondreSupprimerIl faut une belle dose de courage pour le délivrer. se voir poser ces mots fait du bien. Touche mais met la main sur l'importante de s'aimer.
Ces lignes m'ont touchées et me font poser des questions ... les bonnes.
Joli témoignage BRAVO !